Journal d’une déconfinée
Le 16 mars, l’annonce est tombée : La France rentre en confinement.
Dilemme :
1-Se confiner avec mes filles quelque part ?
2-Travailler, témoigner de cette crise planétaire ?
Le 17 mars, je dis « au revoir’ à mes filles et notre cochonne d’Inde.
Reportage Une correspondante de guerre à Mulhouse
Face à « cet ennemi totalement invisible »
Correspondante de guerre récompensée dans tous les festivals de l’image
et du journalisme, Véronique de Viguerie vient de passer une semaine à Mulhouse. Comme à Kaboul ou Mossoul, elle témoigne.
Cette fois, il faut faire vite. Notre rendez-vous a été plusieurs fois repoussé, mais ce samedi, Véronique de Viguerie termine de préparer ses affaires en répondant à nos questions avant de filer à la gare… de Mulhouse. Normalement, cette reporter de guerre multi-récompensée (Visa d’or Paris Match News, Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge, Visa pour l’image 2018 pour son reportage sur la guerre au Yémen, World Press Photo, Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre, prix Canon…) saute plutôt dans un avion pour rentrer chez elle.
« Juste le ballet des ambulances et les rotations des hélicoptères »
« Je ne travaille pas beaucoup en France. Je suis venue deux jours à Mulhouse au tout début de la pan- démie, pour le magazine Elle. Mais j’étais frustrée. Alors j’ai décidé de revenir une semaine pour mon agence Getty Images. »
De Mulhouse et de l’Est, celle qui a travaillé en Afghanistan, aux Philippines, en Irak… avoue ne rien connaître. « C’est la première fois que je viens ici. Et ma première impression a été très étrange, quand je suis arrivée dimanche [le 29 mars]. La vie semblait arrêtée, alors qu’à Paris on commençait seulement à entrer dans le confinement. Ici c’était désert, silencieux, avec juste le ballet des am bulances et les rotations des hélicoptères. Ce virus, c’est un enenemi totalement invisible, presque abstrait. »
Véronique de Viguerie file alors à l’hôpital de Mulhouse, devenu le centre d’intérêt de tous les médias français et étrangers. Avec là aussi une impression étrange, pas trop rassurante. « Nous n’avions pas de gants, pour les masques on s’est débrouillé avec ce que l’on avait, on a bricolé. Est-ce que j’ai attrapé le virus ? Je n’en sais rien, je n’ai pas été testée. Ça, c’est nouveau pour moi. Quand je rentre d’Afghanistan, c’est plus facile. C’est fini. Là, je reviens à Paris et je ne peux pas voir mes deux petites filles qui sont avec leur papa, de peur de les contaminer. Me mettre en danger, je connais, je gère. Mais mettre les autres en danger à cause d’un reportage, c’est une sensation que je n’ai jamais eue. »
Avant Mulhouse, Véronique a été acccueillie par les pompiers de Mulhouse, ultra-chaleureux, les familles dans le deuil, les prêtres » et sur- tout « les conseillers funéraires comme Jérémy Walter à Cernay. Ils nous ont ouvert leurs portes, accueillis sans barrière, sans essayer de nous influencer. Ils sont en première ligne, toujours dans l’ombre, avec peu de protection. Les techniciens funéraires, les fossoyeurs sont la face sombre de cette crise. J’ai beaucoup appris à leurs côtés. »
« Le monde est en mode pause »
À Paris, Véronique de Viguerie va maintenant retrouver « sa sœur de plume », Manon Quérouil-Bruneel, pour travailler dans le 93, en Saine-Saint-Denis, voir comment une banlieue s’organise. « J’aimerais retourner en Afghanistan, découvrir comment les talibans gèrent cette crise, aux Philippines où le pouvoir autorise la police à tirer sur ceux qui ne respectent pas le confinement. Faire un tour du monde du coro- navirus. Le monde actuel est en mode pause. C’est quand même fascinant ! »
Laurent GENTILHOMME
VOIR L’actualité de Véronique de Viguerie sur son site https://vero- niquedeviguerie.com
Viguerie rentrait du Brésil où elle couvrait le combat des Indiens pour préserver leur territoire. Et là aussi, elle est vite revenue sur terre.
« Les journalistes ne sont pas respectés »
exemple : quand le premier train médicalisé est parti de Mulhouse, on a été mis de côté. Des forces de l’ordre nous ont même bloqué l’accès à la passerelle de la gare pour faire des photos du train. Avec Darek Szuster (le photogra- phe de L’Alsace), nous ne gênions personne, ne présentions aucun danger pour les malades. Les au- torités ne veulent travailler qu’avec quelques journalistes – souvent des équipes de télévision –qui assurent leur communication. C’est écœurant. En France, les journalistes ne sont pas respectés par les institutions. Il y a eu l’esprit Charlie Hebdo, mais depuis… »
Si le fonctionnement des autorités agace celle qui a l’habitude de travailler avec les talibans, les femmes du PKK ou les forces de l’ordre philippines, elle restera marquée par les habitants de la ville, « la gentillesse du personnel de l’hôtel Bristol qui nous a ac-
« C’est bizarre de travailler France. Ça devient très compliqué. Les gens sont hyper-méfiants vis-à-vis de la presse. On confond trop journalisme et communication, nous ne sommes pas un moyen de com’ «